Durant deux générations successives, une loi mise en vigueur en 1920, qui portait sur la limitation des naissances, a pourtant interdit l’usage de toute méthode anticonceptionnelle et abortive, ou leur information au public, légitimant ainsi plusieurs siècles de dénis de certains droits des femmes et d’ultimes moyens pour contrôler les naissances. Mais face à une conjoncture démographique française difficile, les autorités et les élus du peuple ont dû s’efforcer à estomper l’absolutisme, pour dessiner de nouvelles façons de réguler les enfantements. La loi Neuwirth de 1967 constitue le premier dispositif écrit dans cette optique, même si elle est passée par bien des péripéties.

Loi Neuwirth : définition et chronologie

Comme de coutume en France, il s’agit d’une loi éponyme défendue par son initiateur et porte-parole, Lucien Neuwirth, député gaulliste, dont le chef de file lui-même, le Général de Gaulle était plutôt opposé à tout recours contre la loi de 1920. Raison pour laquelle, aucune proposition de loi touchant la libéralisation de la contraception n’atteignait l’ordre du jour de l’Assemblée nationale durant presque cinquante ans. Ce qui ne fût plus le cas pour le dispositif Neuwirth, qui abroge donc certains articles de la précédente loi. Déposée par Lucien Neuwirth en mai 1966, puis adoptée le 19 décembre 1967 à l’Assemblée nationale, cette nouvelle disposition portait alors le titre de « loi sur la régulation des naissances », de manière à fonder son utilité publique. La loi Neuwirth légalisait la vente et l’usage de contraceptifs par les femmes notamment, sous diverses conditions et contraintes.

L’une des premières lois les plus contestées de France

Le dispositif Neuwirth souffrait, dès son dépôt auprès des députés, de nombreuses controverses. Monsieur Neuwirth lui-même devait s’attendre à des invectives de toute part, des hommes politiques comme de la part des journalistes, le condamnant comme celui qui a ébranlé profondément les mœurs et les valeurs françaises, allant également jusqu’à soupçonner les industries pharmaceutiques d’avoir comploté derrière cette loi. La mise en route même de la loi a pris beaucoup de temps, démontrant à quel point elle était récusée. En effet, même si elle a été signée par le Président de la République un peu plus d’une semaine après son adoption, les décrets d’application ne commencent à sortir que plus d’une année après, courant février 1969. Sa mise en œuvre ne commence à être effective que courant 1972. Lucien Neuwirth accuse une mainmise de responsables réfractaires sur l’Administration. Par ailleurs, la loi elle-même devait présenter un cadre d’usage contraignant, de manière à justifier médicalement l’utilisation de produits contraceptifs.

Les conditions de la loi Neuwirth

La loi Neuwirth de 1967 visait donc la régulation des naissances. Elle comportait de ce fait diverses conditions dans l’usage des contraceptifs, de façon à ce qu’elle n’occasionne aucun préjudice aux utilisatrices. En premier lieu, le produit anticonceptionnel devait être délivré à la patiente sous ordonnance du médecin ou d’un certificat médical de non-contre-indication nominatif. Ces mêmes documents avaient des délais de validité. En outre, les produits contraceptifs étaient interdits aux mineures de moins de 21 ans à l’époque, sauf accord exprès et écrit des parents. Par ailleurs, la loi Neuwirth se limitait à ouvrir la voie à la légalisation des contraceptifs. Il a fallu attendre plus de 5 années pour que de tels médicaments soient pris en charge par la branche Assurance maladie de la Sécurité Sociale. Et le dispositif ne concernait non plus que les médicaments contraceptifs et leur modalité d’utilisation. Elle ne touchait pas encore mots des autres méthodes de régulation des naissances, à savoir l’avortement.

La loi Neuwirth de nos jours

La légalisation de la contraception s’est faite avec quelques obstacles, même si elle était excusée par un besoin de réduire le taux de natalité. Mais elle a donné lieu non pas à plus de justifications de la régulation des naissances, mais à un renforcement d’une autre lutte pour les droits des femmes : l’abrogation totale de la loi de 1920. Ainsi, en 1975, c’est-à-dire quelques années après la promulgation de la loi Neuwirth, la ministre de la Santé d’alors, Simone Veil, s’est fait le porte-voix d’une loi portant son nom, celle relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). C’est sous sa tutelle même que les contraceptifs deviennent reconnus par la Sécu.
La loi Veil promulguée en janvier 1975 dépénalise l’avortement dans tous ses aspects, sous des conditions strictes. Et tout comme le dispositif Neuwirth, la loi Veil entend faire de l’interruption médicale de grossesse (IMG) et de l’IVG un recours en dernier ressort et à caractère exceptionnel.

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